jeudi 13 octobre 2005

Les abeilles se portent mieux

Un moratoire interdit l'usage du Gaucho (Bayer) et du Régent (BASF)

Les récoltes de miel s'améliorent dans plusieurs régions


Pour la première fois depuis une dizaine d'années, les récoltes de miel s'améliorent dans certaines régions de France. Ce constat est effectué par l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF), premier syndicat de la filière, qui réunit son université d'automne, vendredi 7 et samedi 8 octobre, à Nantes.

Son président, Henri Clément, parle d'une "nette amélioration" du cheptel et de "colonies copieuses, qui donnent des signes de vitalité" . "Dans le Sud-Ouest, les récoltes ont été très bonnes" , affirme M. Clément.

Le représentant des apiculteurs voit dans cette embellie "la récompense" du combat mené contre les insecticides Gaucho et Régent, dont les molécules actives (l'imidaclopride pour le Gaucho et le fipronil pour le Régent) sont accusées par les apiculteurs d'altérer le comportement des abeilles et de décimer les ruchers. Ces produits, employés pour protéger les cultures des ravageurs, ont une action systémique : l'insecticide enrobe la semence et libère ses principes actifs dans la sève. "On a retrouvé les ruches comme avant la période Gaucho-Régent", dit M. Clément.

ANNÉE TEST

2005 est une année test pour les apiculteurs. Pour la première fois, les deux insecticides contestés n'ont pas été utilisés pour traiter les champs de maïs et de tournesol. Leur usage a été suspendu progressivement, au fil des victoires remportées par les apiculteurs au cours d'une longue guérilla judiciaire. Un moratoire interdit l'usage du Gaucho sur les semences de tournesol depuis 1999, et depuis 2004 sur le maïs. L'usage du Régent est suspendu sur toutes les cultures depuis 2004.

Malgré les avancées qu'ils relèvent, les apiculteurs de l'UNAF sont très loin de crier victoire. "Les intoxications, les comportements anormaux et les dépopulations que nous observions pendant la récolte entre 1996 et 2004 ont disparu cet été dans certaines régions, explique M. Clément. Nous devons maintenant attendre l'hivernage et le début du printemps prochain pour effectuer le bilan des mortalités d'abeilles."

Les années précédentes, cette mortalité pouvait tuer entre 30 % et 50 % du cheptel, selon les producteurs de miel.

Surtout, l'amélioration n'est pas ressentie partout. En Poitou-Charentes, en Pays de la Loire, en Vendée, la situation est "plus diversifiée" , selon l'UNAF.

De nombreux apiculteurs ne notent pas de différence avec les années précédentes. Ils pâtissent de la sécheresse qui touche ces régions. Et, selon les producteurs de miel, les insecticides incriminés sont encore présents dans les champs. La rémanence des produits, c'est-à-dire leur persistance dans les sols, est en cause, selon les apiculteurs, dans des régions où les pesticides ont été employés largement et longtemps. Par ailleurs, le Gaucho est toujours employé sur les céréales à paille (blé, orge). L'UNAF réclame la suspension de cet usage.

L'année est également importante pour les firmes agrochimiques Bayer commercialise le Gaucho, BASF est propriétaire du Régent. L'industrie dément tout lien entre ses produits et les dommages subis par les abeilles. "La thèse de l'explication unique ne tient pas" , affirme Jean-Marc Petat, directeur du département filières et environnement chez BASF.

L'industrie avance d'autres facteurs : problèmes climatiques, alimentation des abeilles appauvrie par la monoculture, maladies, mauvaises pratiques des apiculteurs... Les produits incriminés en France sont utilisés dans de nombreux autres pays, font également valoir les fabricants. "Nous voulons une expertise indépendante, il faut que les scientifiques statuent" , affirme M. Petat. Depuis le début de cet affrontement, les deux camps citent des études contradictoires.

Le sort définitif des molécules provisoirement interdites devra pourtant être fixé. L'Union européenne, qui réévalue toutes les substances chimiques autorisées en Europe, est appelée à se prononcer. En parallèle, un groupe de travail est chargé, au ministère de l'agriculture, d'élaborer des tests sur la toxicité des produits, afin de procéder à de nouvelles évaluations. (Gaëlle Dupont, le Monde, 09 10 05)

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